L’instruction de certains dossiers économiques sensibles, et les jugements qui en ont découlé, ont révélé au grand jour les limites criantes du fameux procureur spécial et des juges de la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières). Le spectacle offert lors des audiences sur des affaires de détournement de deniers publics a souvent fait d’eux la risée des cadres guinéens. Ces derniers, aguerris dans leurs domaines respectifs, n’ont aucun mal à démontrer l’incompétence technique des magistrats censés les juger.
Avec les nouveaux scandales nauséabonds touchant des institutions stratégiques telles que la Direction générale des douanes, la Banque centrale, les Impôts ou encore la Chambre de commerce, le ministère de la Justice devrait engager une véritable refondation — pour être à la mode —, une refonte structurelle de la CRIEF. L’objectif serait de recruter ou d’associer des procureurs et juges spécialisés en économie et finances à ces procédures complexes. Faute de quoi, on risque d’assister à des répétitions grotesques des affaires impliquant des figures telles qu’Amadou Damaro Camara, ancien président de l’Assemblée nationale, Ibrahima Kassory Fofana, ex-Premier ministre, et Mamadi Camara, ex-ministre de l’Économie et des Finances. Dans ces dossiers, il était manifeste que les juges cherchaient désespérément des preuves, comme on chercherait une aiguille dans une botte de foin.
Comment peut-on espérer que des magistrats incapables de déchiffrer un Tableau des opérations financières de l’État (TOFE) puissent confondre des économistes chevronnés dans des montages financiers complexes ? Pire encore, comment ces mêmes juges pourraient-ils comprendre les subtilités du cheminement des virements, au compte des recouvrements effectués — au titre des centimes additionnels — en faveur des chambres consulaires, une opération qui s’étale sur plusieurs années maintenant ?
Pour l’heure, ni le procureur spécial Aly Touré (photo à droite), dont les limites ont déjà été largement exposées, ni le président de la CRIEF, Francis Kova Zoumanigui (à gauche), davantage connu pour faire molester des journalistes à son domicile que pour ses compétences, ne semblent être à la hauteur pour démêler ces dossiers complexes et techniques.
Sans un recyclage urgent de ces magistrats ou leur appui par des experts compétents, les jugements rendus continueront d’être entachés d’erreurs grossières. Le risque est double : soit condamner des innocents, soit relâcher des coupables. Dans les deux cas, la crédibilité de la lutte contre la corruption, entamée avec détermination après le 5 septembre 2021, serait irrémédiablement compromise.
Il est temps de repenser les fondements mêmes de cette institution pour en faire un véritable pilier dans la récupération des ressources financières spoliées de l’État. Car une justice incapable d’assumer ses propres lacunes n’est qu’un obstacle de plus sur le chemin de la refondation nationale.
Abou Maco, Journaliste