« Il n’y a point de LIBERTÉ si la puissance de JUGER n’est pas séparée de la puissance LÉGISLATIVE et de l’EXÉCUTRICE » a écrit MONTESQUIEU dans son livre, l’Esprit des Lois publié en 1748. C’est le principe de la séparation des pouvoirs entre ceux en charge de faire les lois (le pouvoir législatif), ceux en charge de les exécuter (le pouvoir exécutif) et ceux en charge d’arbitrer les conflits dans une société (le pouvoir judiciaire).
En république de Guinée, pendant cette période transitoire entamée le 05 septembre 2021, ce sont respectivement, le Conseil de la transition (CNT), le Comité National du Rassemblement pour le Développement ( CNRD) et les Cours et tribunaux qui assument le rôle de la puissance de faire les lois, de les exécuter et d’arbitrer les conflits conformément aux engagements du CNRD dans la Charte de la transition d’œuvrer pour la consolidation des bases de notre démocratie et de promouvoir un véritable Etat de droit conforme aux aspirations du peuple de Guinée.
A ce titre, les magistrats gardiens des droits et libertés jouent un rôle essentiel pour l’ancrage de l’État de droit et de la démocratie dans la mesure où ils arbitrent de manière neutre, responsable et professionnelle les conflits entre les citoyens d’une part et d’autre part entre l’État et les citoyens.
Certes, dans la plupart des cas, ils sont nommés par décret présidentiel sur proposition du ministre de la justice. Mais, la justice étant rendue au nom du peuple, dans leur fonction, ils ne doivent obéissance qu’à l’exigence de la Loi qui en retour leur garantit une indépendance mais aussi un certain nombre d’avantages afin de leurs permettre de mieux assumer leur rôle et responsabilité de juger. Car juger est avant tout une question de responsabilité. Je dirai même une lourde responsabilité. A cet effet, les magistrats chargés de rendre la justice doivent inspirer confiance au peuple au nom duquel ils rendent la justice en toutes circonstances. Car de la justice, on attend qu’elle rassure et non qu’elle inquiète comme la situation que nous vivons actuellement en Guinée !
Pour rappel, au terme des états généraux de la justice organisé en mars 2011, la corruption endémique et les interférences du pouvoir exécutif dans le fonctionnement du pouvoir judiciaire ont été cités comme faisant partie des problèmes principaux dont souffre notre système judiciaire. A ce titre, dans le plan d’action de la réforme de la justice pour la période allant de 2014 à 2024, sous l’impulsion du garde des sceaux, Me Cheick SACKO, l’amélioration de l’indice salariale et des conditions de travail des magistrats ont été inscrits parmi les pistes des solutions pouvant freiner cette situation. Mais, en dépit de la revalorisation de cet indice salarial des magistrats les plaçant parmi les fonctionnaires les mieux traités en république de Guinée, la situation reste quasi la même, notamment celle relative à l’influence continue du pouvoir exécutif sur le fonctionnement judiciaire.
A titre illustratif, l’on se rappelle tous de ces magistrats qui, en dépit de la garantie d’indépendance que leur consacre la loi et des avantages financiers dont ils jouissent en termes de traitement ont déclaré aux membres du CNRD après le 05 septembre qu’ils n’étaient pas indépendants ! Mais, comment pourriez-vous être indépendant si vous-mêmes décidez que vous ne l’êtes pas ? L’indépendance du magistrat est avant tout une question de responsabilité et de conviction personnelle de respecter son serment que dans l’exercice de ces fonctions qu’il ne doit obéissance qu’à la loi et rien qu’à la loi.
Je me rappelle encore de ces déclarations de Dr Thierno Maadjou SOW, premier président de l’OGDH « les Guinéens sont gâtés par les textes, mais l’impunité reste le terreau du crime ». Comme pour dire, que fondamentalement, ce n’est pas un problème de protection légale que nous avons en matière de droits humains en Guinée, mais plutôt un problème de protection judiciaire se traduisant par la non application des lois. A ce titre, le rôle de nos magistrats est crucial pour non seulement faire en sorte que le principe d’égalité des citoyens soit une réalité sur le terrain ce, quelques soit notre appartenance sociale ou politique mais aussi la concrétisation de l’Etat de droit auquel nous aspirons tous, gage de toute stabilité institutionnelle et développement durable.
Alseny SALL, acteur de la société civile