Dansa Kouroumah, président du Conseil national de la transition, défend avec une conviction douteuse et un langage indéchiffrable le projet de nouvelle Constitution. Son argument paraît très dérisoire : « Je suis loyal au Général Mamadi Doumbouya, car il a fait de moi président du Parlement de transition. » D’autres diraient : la main qui donne, commande. La fidélité serait-elle axée sur le poste plutôt que sur les principes ou l’idéal ? La reconnaissance envers un homme devrait-elle déterminer l’engagement personnel ou se substituer aux convictions propres ?
Les propos de Kouroumah soulèvent une question essentielle : sa loyauté dépendrait-elle de ses fonctions actuelles et serait-elle, de surcroît, tributaire du plus offrant ? On comprend encore que les hommes demeurent liés par les intérêts, et non par l’affinité politique ou idéologique, ni même par un pacte de sang ou de fraternité militante.
Le président du CNT, qui vient de remettre au président de la transition le projet de Constitution, a accompli la principale tâche confiée à l’organe qu’il dirige. Il est donc presque en fin de mission et de parcours, et à ce titre ne semble plus avoir grand-chose à perdre. C’est pourquoi le zèle des débuts est remplacé par une prudence bien calculée.
M. Kouroumah prétend soutenir le Général Doumbouya « dans les limites de la loi ». Comprenne qui pourra.
Cette affirmation est en contradiction flagrante avec la Charte de la transition, qui interdit formellement à tout membre des organes de la transition, y compris le Général Mamadi Doumbouya, d’être candidat aux prochaines élections.
Le projet de texte constitutionnel, censé « nous ressembler et rassembler », est en réalité une pomme de discorde qui divise et oppose les Guinéens, et semble destiné à paver la voie à une potentielle confiscation du pouvoir.
À ce propos, le président du CNT ménage la chèvre et le chou : il est reconnaissant au Général Mamadi Doumbouya et se veut rassurant pour son camp, mais en même temps, il laisse entendre que la décision d’être candidat appartient au Général lui-même, avant d’impliquer, éventuellement, ses soutiens et collaborateurs comme lui. « Je me déciderai quand lui-même se décidera », tel est le message de Dansa Kouroumah.
Or, toute la stratégie du régime en place consiste à encourager le Général Doumbouya à briguer la magistrature suprême, en lui assurant à l’avance le soutien de ses collaborateurs et une certaine adhésion populaire à travers des déclarations d’allégeance de son entourage proche, de partisans, et par l’organisation de mouvements de rue. Dansa, lui, ne veut pas être de ceux qui prennent le risque de pousser à la candidature, mais peut-être de ceux qui auront l’excuse d’un ralliement contraint. Il a rappelé qu’il devra s’expliquer devant le peuple et rendre des comptes. Prépare-t-il déjà sa défense ?
Dansa Kouroumah a le devoir d’assumer son appartenance au régime militaire et son choix d’accompagner le Général dans tout ce qu’il dira et fera. Ce n’est pas le moment de se dérober ou d’entretenir un flou artistique. Le président du CNT doit dire la vérité au peuple de Guinée. Mentir ou se départir de ses convictions et responsabilités, c’est déjà trahir.
Ce qui a mal commencé ne peut pas bien finir, malheureusement. La Guinée mérite une Constitution qui reflète les aspirations nationales, donc élaborée sur la base d’un consensus entre toutes les composantes de la Nation, à l’issue d’un dialogue franc et inclusif.
Or, le sentiment aujourd’hui est qu’on veut imposer un texte taillé sur mesure pour satisfaire des ambitions égoïstes. Le peuple, l’arbitre, observe et prend note à chaque étape du processus et, le moment venu, rendra son verdict. Chacun sera jugé à ses propos, mais surtout à ses actes, loin des postures et des impostures.
Plus personne n’est dupe.
Souleymane Souza KONATÉ,
Coordinateur de la Cellule de Communication de l’UFDG
Président de la Commission Communication de l’ANAD.