La prétendue « crise de liquidité » en Guinée, souvent décriée par les citoyens et les acteurs économiques, mérite une lecture plus profonde que le simple constat d’une pénurie de billets. En réalité, cette situation reflète une stratégie délibérée du gouvernement pour moderniser l’économie et réduire la dépendance au cash, dans un contexte où la digitalisation des transactions s’impose comme une nécessité mondiale. Comme l’a souligné le Premier ministre Amadou Oury Bah, le dynamisme de l’économie guinéenne avec un taux de croissance exceptionnel de 7 % en 2024 exige des ajustements structurels, notamment dans la gestion des moyens de paiement.
Le gouvernement guinéen ne subit pas une crise de liquidité ; il la provoque pour accélérer la transition vers une économie numérique. Les restrictions sur les retraits bancaires et les plafonnements imposés visent à réduire la circulation de l’argent physique, favorisant ainsi les virements électroniques et les portefeuilles digitaux comme Orange money ,Kulu ou Soutra-Money. Cette approche s’inscrit dans une logique globale d’inclusion financière, où le taux de bancarisation (environ 23 %) doit être compensé par des solutions alternatives. la fin des paiements en espèces pour les salaires et dépenses publiques — confirme cette volonté de formaliser les flux monétaires.
La Banque centrale de Guinée (BCRG) ne reste pas en marge de cette révolution. Bien que non explicitement mentionnée dans les sources disponibles, sa probable orientation vers une monnaie numérique s’aligne sur les tendances africaines (comme l’eNaira au Nigeria et d’autre pays) pour contrer l’inflation, la corruption et la fraude. Les cryptomonnaies locales ou réglementées pourraient offrir une alternative stable aux devises traditionnelles, tout en sécurisant les transactions minières (bauxite, etc.) et en limitant les fuites de capitaux. Dr Patrice Loua, promoteur de la Limocoin en Guinée, illustre dans un entretien qu’il a accordé a nos confrères de Guineematind’ailleurs comment ces actifs numériques peuvent restaurer une « justice monétaire » en standardisant les valeurs
L’État utilise cette période pour observer la réactivité des Guinéens face au changement. Comme le dit l’adage populaire, « ne pas communiquer est une communication ». Les difficultés d’accès au cash poussent les populations et les entreprises à adopter des solutions digitales, tandis que le gouvernement évalue les résistances et ajuste sa stratégie. Cette méthode, bien que critiquée pour son manque de transparence, pourrait s’avérer payante à long terme en réduisant les coûts liés à la gestion du cash (impression, transport, sécurité) et en renforçant la traçabilité fiscale. Mais ça dumunera aussi des vols.
Derrière les apparences d’une crise se cache une vision ambitieuse : faire de la Guinée une économie 100 % digitale, résiliente face aux chocs externes et intégrée aux marchés globaux. Si les mesures actuelles créent des tensions, elles préparent le terrain pour une sécurité financière renforcée et une meilleure gouvernance. La Banque centrale, en emboîtant le pas aux MNBC (Monnaies Numériques de Banque Centrale), pourrait bientôt officialiser une crypto-monnaie nationale, consolidant ainsi l’autonomie monétaire du pays.
Ouvrons grand les yeux et faisons face à la réalité.
Mohamed Junior Diallo
Journaliste