En tant que juriste et acteur de la société civile guinéenne, je tiens à affirmer que la nouvelle constitution, présentée lors du grand journal de la Télévision Nationale, représente un tournant decisif. D’un point de vue tant formel que substantiel, elle se distingue comme l’une des meilleures, sinon la meilleure dans l’histoire politique de la Guinée.
Cette constitution a respecté toutes les étapes essentielles de son élaboration, incluant des consultations populaires par les membres du CNT à travers tout le pays, la prise en compte des avis des acteurs socio-politiques, le forum sur le constitutionnalisme en Guinée, le débat d’orientation constitutionnelle, la vulgarisation de l’avant Projet de la nouvelle constitution, la mise en place d’un groupe d’expert et la Remise officielle au Président de la Transition. Et bientôt le referendum prévu le 21 Septembre ainsi que la promulgation de la constitution par décret et la publication au journal officiel de la République.
Cette approche est à saluer, car elle répond aux standards internationaux en matière de processus constitutionnels participatifs. En impliquant les citoyens, les acteurs politiques, la société civile et les experts, elle confère au texte une légitimité démocratique.
Ces mesures tendent à renforcer l’État de droit et la participation citoyenne, et à rendre le système politique plus représentatif.
À la lecture du contenu de cette nouvelle constitution quelques-unes des innovations majeures méritent d’être soulignées:
– La reconnaissance de la participation des Organisations de la Société Civile (OSC) dans les mécanismes socio-politiques de la nation;
– La promotion et la vulgarisation des lois, de la constitution ainsi que la traduction des documents officiels dans les langues nationales;
– La promotion de la parité, avec un objectif d’au moins 30% pour les femmes;
– Le droit à la pétition reconnu pour tous les citoyens.
– L’accès obligatoire à l’éducation pour tous les enfants âgés de moins de 5 ans et jusqu’à 17 ans.
– L’instauration d’une couverture santé universelle;
– La participation des Guinéens vivant à l’étranger dans les affaires nationales.
– La création d’un Sénat Sénat qui est l’Assemblée représentative des collectivités décentralisées et des diverses composantes socioprofessionnelles de la Nation;
– Un mandat présidentiel de 7 ans renouvelable une seule fois;
– La reconnaissance des candidatures indépendantes pour toutes les échéances électorales en Guinée sous réserve d’un parrainage;
– Les anciens Présidents de la République prennent rang protocolaire immédiatement après le Président de la République en fonction, dans l’ordre de l’ancienneté de leur mandat. Ils peuvent être chargés de missions spéciales par le Président de la République;
. Les anciens Présidents de la République ainsi que leurs conjoints bénéficient d’avantages matériels, financiers et d’une protection, dans les conditions déterminées par une Loi organique. Cette disposition s’applique également à toute personnalité ayant exercé les fonctions de Chef de l’Etat;
– La création d’une Commission nationale pour le développement chargée d’élaborer des stratégies nationales et régionales.
Pour les questions relatives au processus de révision constitutionnelle, le Président devra procéder à la dissolution obligatoire de l’Assemblée nationale. De plus, au lendemain d’un référendum sur une révision constitutionnelle, le gouvernement doit présenter sa démission au Président de la République, qui ne peut pas refuser cette démission. Aucun membre du gouvernement sortant ne pourra être promu à un poste équivalent ou supérieur jusqu’à la fin du mandat du Président en cours.
Il est également stipulé qu’aucune disposition ne peut être révisée avant un délai minimum de trente ans après sa promulgation.
– Les intangibilités constitutionnelles sont confirmées, notamment
la forme républicaine de l’État, le principe de la laïcité, l’unicité de l’État, ainsi que la séparation et l’équilibre des pouvoirs;
– De plus, aucune révision constitutionnelle ne peut avoir lieu durant la dernière année d’un mandat en cours.
– De même, toute personne ou agent public contribuant à un projet portant atteinte aux valeurs fondamentales énoncées pourrait être passible d’un délit selon les lois en vigueur.
– Également tout projet ou action du Président visant à porter atteinte aux principes énoncés est considéré comme un acte constitutif de haute trahison.
Malgré la pertinence du texte constitutionnel j’aurai vraiment souhaité inclure:
– l’Organisation d’un débat public entre les candidats aux différentes élections, très pertinente pour la démocratie électorale, cela renforcerait la culture du débat contradictoire et permettra aux électeurs de faire des choix judicieux sur la base des projets de société;
– L’Harmonisation de la durée des mandats électifs est un aspect important. Cela permettrait de synchroniser les cycles électoraux et de réduire les coûts politiques et économiques;
– Revoir l’âge minimum pour être candidat à l’élection présidentielle, qui devrait être de 35 ans au lieu de 40 ans;
Conclusion:
Le texte constitutionnel, tel que décrit, semble ambitieux, progressiste, et adapté aux réalités guinéennes. S’il est appliqué avec rigueur, il pourrait devenir une référence en Afrique francophone.
Cependant, le respect scrupuleux du texte par les institutions futures, la vigilance citoyenne et l’indépendance de la justice seront les véritables garants de son succès.
Alpha BAYO
Acteur de la Société civile
Dakar le 1er Juillet 2025