L’affaire dite « Singleton » vient de connaître son épilogue judiciaire en instance avec une décision qui ne cesse d’alimenter les débats publics. L’artiste a été reconnu coupable d’homicide involontaire et condamné au paiement de 10 millions GNF d’amende et 900 millions GNF à titre de réparation civile, assorti d’un sursis.
Beaucoup s’interrogent : comment comprendre que, dans une affaire de mort d’homme, le tribunal ait retenu une peine assortie de sursis, alors que, dans un cas récent à Kindia, un simple vol de téléphone a valu 10 ans de prison ferme à son auteur ?
Le droit positif guinéen enseigne que le juge n’est soumis qu’à l’autorité de la loi. Cette indépendance est la garantie d’une justice impartiale et équilibrée. Néanmoins, il serait illusoire de nier que l’opinion publique, les médias et la pression sociale constituent un environnement permanent dans lequel la justice évolue.
Dans le secret de la délibération, le juge doit se concentrer uniquement sur les faits, la loi et sa conscience, sans céder à la clameur publique. Le juge n’a pas besoin d’être orienté par la passion ou l’émotion collective. Les décisions de justice ne doivent jamais traduire l’humeur de l’opinion, même lorsqu’elle est en majorité défavorable à un prévenu comme Singleton.
Cependant, il est compréhensible que l’opinion s’indigne. Ceux qui dénoncent une certaine incohérence n’ont pas totalement tort : il est, à première vue, difficile à comprendre qu’un vol de téléphone mérite une lourde peine ferme, tandis qu’une affaire de mort d’homme se solde par une peine assortie de sursis.
Il ne faut pas en outre perdre de vue que le sursis ne constitue pas une absence de sanction. Il s’agit d’une véritable mise à l’épreuve du condamné : si celui-ci ne commet aucune nouvelle infraction durant le délai fixé, la peine ne sera pas exécutée, mais en cas de récidive, la peine initialement prononcée s’ajoutera à la nouvelle sanction.
Le sursis est donc une épée de Damoclès suspendue au-dessus du condamné, qui vise à l’amener à une meilleure conduite, tout en tenant compte de sa personnalité, de son passé judiciaire et des circonstances de l’infraction.
Dans tous les cas, la justice doit rester équilibrée entre la rigueur de la loi et l’humanité de la sanction. L’opinion peut parfois s’indigner, comparer ou dénoncer des disparités. Ceux qui s’interrogent ou crient à l’incompréhensible expriment une inquiétude légitime. Mais la vérité judiciaire ne se construit pas dans la rue. Elle se forge dans l’application raisonnée du droit.
Dans l’affaire Singleton, le débat reste ouvert entre ceux qui voient une indulgence excessive et ceux qui considèrent la décision conforme aux principes du droit pénal moderne. Mais une certitude demeure : la crédibilité de la justice repose sur sa capacité à demeurer indépendante et à justifier, par la motivation de ses jugements, l’équilibre entre sanction et pédagogie.