Monsieur le Premier Ministre
Conformément à l’article 51 de la charte de la transition, je me permets de vous adresser la présente en vue de solliciter de votre haute bienveillance la libération de certains de nos concitoyens illégalement détenus.
En effet, l’article 51 de la charte suscitée stipule : << Le Premier Ministre dirige, coordonne et anime l’action gouvernementale. Il dispose de l’Administration. Il veille au bon fonctionnement des services publics, à la bonne gestion de l’économie nationale, des finances publiques et domaines de l’Etat, des entreprises et des organismes publics. Il assure l’exécution des lois et règlements. Il veille à l’application des décisions de justice>>.
Monsieur le Premier Ministre, l’un, pour ne pas dire le seul, de ses attributs que Dieu a confié aux humains sur terre, est celui de juger leurs semblables. Le coran, dans Sourate 42 verset 15, appelle à <<juger avec équité>>.
Dans Romains chapitre 13, verset 4, la bible nous enseigne : << le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal>>.
Les deux plus grandes religions monothéistes enseignent donc la notion de justice, le pouvoir de juger ceux qui transgressent les lois établies dans la société. Ceci implique premièrement que toute poursuite doit être dirigée uniquement contre ceux qui font du mal à la société; qui ont commis un crime ou un délit prévu et puni par la loi pénale de chaque pays.
Secundo, le pouvoir de retenir, de juger et de condamner est exclusivement réservé aux magistrats ou les personnes habilitées à cet effet par la loi.
Tertio, nul ne peut être puni ou privé de sa liberté que pour le comportement antisocial qu’il a commis. Autrement, il ne doit être inquièté notamment quand la justice elle-même l’aura blanchi.
N’est-ce pas ce qui est stipulé à l’article 7 de la déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen de 1789 repris par nos lois ?
<< Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance >>.
Tout le système judiciaire est aujourd’hui pris à partie par deux groupes qui se livrent au jeu de tir à la corde. Le jeu de tir à la corde est un sport d’équipe où les deux protagonistes tirent, chacun l’autre vers lui à travers l’extrémité du bout de la corde, au-delà d’une ligne de démarcation, le but étant de remporter une épreuve de déstabilisation par la force et la solidarité.
Chaque protagoniste oublie que cette discipline a été retirée même des Jeux Olympiques depuis 1920 en raison de problèmes techniques, comme des chaussures trop lourdes utilisées par les athlètes ou des tricherie.
C’est dans ce duel que Dame Themis est entrain de perdre la boussole dont elle est détentrice depuis le 5 septembre 2021, suite à la prise du pouvoir par le Général Président Mamadi Doumbouya.
Le problème est que dans le nœud de cette corde se trouvent coincés nos concitoyens tels que les inculpés de la procédure de l’attaque de la maison centrale de Conakry du 03 novembre 2023 qui s’est soldée depuis le 23 janvier 2025 par l’ordonnance de non lieu numéro 006 de Monsieur Flomonan Sagno, Juge d’instruction au Tribunal Militaire permanent de Conakry d’un côté;
De l’autre, l’arrêt numéro 08 du 29 juillet 2025 de la Cour suprême de Guinée rendu en faveur des sieurs Jean Louis Kpogomou, Georges Oulemou et Thomas Touaro qui avaient été dénoncés par Aboubacar Diakité dit Toumba lors du procès du 28 septembre 2009, poursuivis pour complicité de meurtres, assassinat, viol, enlèvement, séquestration, Violence, Coups et blessures volontaires, sous mandats de dépôt depuis 2022 qui ont été blanchis définitivement par la plus haute juridiction du pays.
Dans le premier dossier appelé Ministère public contre Sergent Chef Mamady Kallo et 72 autres, il s’agit de l’attaque de la maison centrale de Conakry la nuit du 03 novembre 2023 par un groupe de personnes lourdement armée où était détenus dans le cadre du procès dit du 28 septembre 2009 l’ancien Président de la transition de 2009, le capitaine Moussa Dadis CAMARA et plusieurs autres.
Dans cette procédure, 74 personnes avaient été inculpées dont seulement 2 sous contrôle judiciaire et les 72 autres sont sous les veroux depuis deux ans, au grand dam de leurs conjoints, enfants et proches ce sont :
Sergent Chef Mamady Kallo, Sergent chef Ousmane Sidibe, Adjudant Chef Fankanda Konaté, Adjudant Aboubacar Conte, Caporal Mohamed Makhissa Bangoura, Caporal Chef Amadou Tâta Diallo, Adjudant Chef Dantouma Doumbouya, Sous-lieutenant Ibrahima Sory Keita, Albert Fangamou, Marie Senesdy, Lieutenant Colonel Thierno Ahmed Tidiane Diallo, Lieutenant Colonel Pierre Gaou Béavogui, Sous-lieutenant Mamady 2 Camara, Sergent Chef Mohamed Mbemba Camara dit Zidane, Caporal Amara Camara, Sekou Kone, Adjudant Chef Abou Bangoura, Caporal chef Houssein Aly Echour, Mohamed Chérif Camara, Sivily Guilavogui dit Apôtre Saint Jean, Sergent Chef Kalla Soumah, Moustapha Kourani Keita, Adjudant Chef Souleymane Sidibe, Sergent Mamady Kourouma, Sergent Chef Issiaga Camara, Adjudant Thierno Moussa Bangoura, Adjudant Chef Abdoulaye Camara, Adjudant chef Aboubacar Diaouné, Adjudant chef Idrissa Bangoura, Adjudant Mohamed Camara, Lamine Sacko, Caporal Faya Thomas Millimono, Diecké Iromou, Sidiki Keita, Sous-lieutenant Mouctar Sylla, Sergent Chef Fatoumata Doumbouya, Adjudant Seydouba 1 Bangoura, Mohamed Lamine Camara, Adjudant Pierre Kouassy, Adjudant Mamady Haiba Camara, Sergent Chef Amadou Camara, Sous-lieutenant Mohamed 3 Camara, Caporal chef Souleymane Oularé, Adjudant chef Amara nafi Camara, Adjudant Ousmane Mara, Sergent Chef Kadiatou 1 Camara, Caporal chef Mohamed Diane, Adjudant chef Layba Camara, Adjudant chef Aboubacar Sidiki Bah, Lieutenant Fode Momo Camara, Caporal chef Mohamed Sangaré, Brigadier chef Yacouba Baldè, Sergent Chef Mbemba Bangoura, Sergent Chef Salimatou Camara, Sergent Chef mabinty Soumah, Jean Claude Loua, Jean Haba, Sergent Chef Augustin Kpogomou, Mao Béavogui, Adjudant chef Kouramodou Doumbouya, Adjudant chef Lancinet Camara, Lieutenant Colonel Mohamed Yondo Ouedouno, Moussa Thiegboro Camara, Colonel Claude Pivi, Sous-lieutenant Fode Bangoura, Lieutenant Mamadou Dian Diallo, Lieutenant ce Mamy, Caporal chef Joseph Wata Soumah, Caporal chef Ibrahima Sory Sylla, Caporal Mory Ismaël Nabé, Sergent Chef Hadjiratou Condé, Starzensky Nicolay, Colonel Blaise Goumou et Moussa Dadis CAMARA poursuivis de détention illégale d’armes, rébellion, participation à une association de malfaiteurs, évasion, Assassinat, abandon de poste, violation aux consignes, entrave à la saisine de la justice, désertion et complicité d’assassinat.
La conséquence du non lieu c’est la mise en liberté de L’inculpé. D’où ce cri de cœur. Dans ce dossier, je voudrais attirer votre haute attention sur le cas particulier du Colonel Claude Pivi.
En effet, techniquement, le Colonel Claude est illégalement détenu dans la mesure où le mandat d’arrêt en vertu duquel il a été arrêté au Libéria et extradé en Guinée avait été émis par le Juge d’instruction du Tribunal Militaire Permanent de Conakry qui vient de clôturer son instruction par l’ordonnance de non lieu suscitée.
Dès lors que le mandat d’arrêt décerné par le Tribunal de Première Instance de Dixinn délocalisé à la cour d’appel de Conakry n’a pas été exécuté contre lui, sa détention devient sans doute illégale sans titre.
Monsieur le Premier Ministre, le Colonel Pivi est perclus par la maladie. Il vient encore de subir une dure épreuve avec la perte tragique de son épouse dont il n’a pas pu assister aux obsèques.
Nous avons tendu nos oreilles, rivé nos yeux à notre télévision nationale lors du journal de 20h du 05 septembre 2025, date anniversaire de la prise du pouvoir par le CNRD, dans l’espoir que le Président aurait posé un acte de décrispation sociale en libérant certains prisonniers, mais hélas.
Dans le second dossier ministère public contre sieurs Jean Louis Kpogomou, Georges Oulemou et Thomas Touaro, par arrêt numéro 09 du 15 mars 2023, la deuxième chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel de Conakry a décidé ainsi qu’il suit : <<statuant en chambre de conseil et sur appel ; Après avoir délibéré conformément à la loi ;
Hors la présence du ministère public, des parties et du greffier.
En la forme : reçoit les appels des Maîtres Daniel HABA et Philippe LOUA, Conseils des inculpés.
Dit qu’il n’y a pas prescription.
Constate la non désignation du Doyen des Juges par le Président du Tribunal;
Constate la nullité du procès verbal de témoin ayant requis l’anonymat.
En conséquence : annule la procédure d’instruction suivie contre Jean Louis Kpogomou, Georges Oulemou et Thomas Touaro.
Ordonne leur mise en liberté s’ils ne sont détenus pour autres causes;
Ordonne l’exécution du présent arrêt à la diligence de Monsieur le Procureur Général >>.
Par requête aux fins de cassation de la l’arrêt suscité, en date du 31 mars 2023, le Procureur Général saisissait la plus haute juridiction du pays.
Celle-ci, par arrêt numéro 08 du 29 juillet 2025 statuait en ces termes :
<< statuant publiquement, contradictoirement en matière pénale et sur pourvoi ;
Déclare les requérants irrecevables en leurs pourvoi contre l’arrêt numéro 09 du 15 mars 2023 de la deuxième chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel de Conakry;
Met les frais et dépens à la charge du trésor public. Ordonne la publication du présent arrêt dans les registres à ceux destinés >>.
Comme vous pouvez le constater, après une telle défaite du parquet et des parties civiles, l’élégance et la tolérance voudraient que l’on accepte le succès de son adversaire. C’est-à-dire se soumettre à l’autorité judiciaire en exécutant l’arrêt numéro 09 du 15 mars 2023 de la deuxième chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel de Conakry qui a ordonné la mise en liberté des sieurs Jean Louis Kpogomou, Georges Oulemou et Thomas Touaro.
Plusieurs courriers ont déjà été adressés aux autorités judiciaires pour demander la libération de ces pensionnaires sans succès.
C’est la raison pour laquelle, force devant rester à la loi, nous nous livrons à cet exercice conformément à l’article 51 de la charte suscitée pour l’exécution des décisions judiciaires suscitées.
Dans l’attente, et en vous souhaitant bonne réception, je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier Ministre l’expression mes sentiments de très haute considération.
Maître David BEAVOGUI
Avocat à la Cour