Le contentieux électoral à venir en Guinée s’annonce particulièrement riche en débats de droit. En effet, le nouveau Code électoral adopté récemment semble comporter plusieurs dispositions qui soulèvent de sérieuses interrogations au regard de la Constitution, notamment en ce qui concerne le respect du principe fondamental de la présomption d’innocence.
L’article 135, alinéa 2, du nouveau Code électoral dispose que « les personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt national ou international ne sont pas éligibles à la fonction de Président de la République ». Une telle restriction, édictée par une norme législative, paraît difficilement conciliable avec la Constitution, qui consacre expressément ce principe dans son article 10, alinéa 4, en ces termes :
« Elle est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie, à la suite d’un procès juste et équitable, au cours duquel elle a eu accès à toutes les garanties indispensables à sa défense, conformément à la loi. »
Rendre inéligible un individu sur la seule base d’un mandat d’arrêt, sans condamnation définitive, revient à substituer le soupçon à la preuve et à faire prévaloir le préjugé sur le droit. Une telle approche ne fragilise pas seulement la cohérence de l’ordre juridique ; elle menace également l’équilibre entre l’État de droit et la volonté politique de moraliser la vie publique.
À titre d’exemple, un candidat placé sous le coup d’un mandat d’arrêt national ou international, dont la candidature serait rejetée pour ce motif, pourrait saisir la juridiction compétente afin de soulever l’inconstitutionnalité de cette disposition du Code électoral. Une telle démarche viserait à faire constater que la présomption d’innocence, garantie par la Constitution, ne saurait être restreinte par une norme inférieure de nature législative.
Il ne serait donc pas surprenant que ce texte fasse l’objet de vives contestations devant la Cour constitutionnelle. Les praticiens du droit, et plus particulièrement les avocats, auront alors la lourde responsabilité de soulever, dans le cadre du futur contentieux électoral, les nombreuses exceptions d’inconstitutionnalité qui ne manqueront pas de surgir.
L’avocat, rappelons-le, n’est pas législateur. Mais il demeure, dans un État de droit, le gardien vigilant de la légalité et le défenseur naturel des libertés fondamentales.