« Je vous ai compris ! » Cette phrase lapidaire du Général de Gaulle, prononcée à Alger en 1958, lui avait permis de se tirer d’affaire dans une situation embarrassante. Une formule volontairement ambiguë, savamment entretenue. Des années plus tard, en Guinée aussi, un mot d’ordre, aussi équivoque que troublant, a vu le jour : « Ils ont compris ».
Mais que signifie réellement « ils ont compris » ? Cette expression, désormais sur toutes les lèvres, devrait être une manière d’honorer la lucidité, la constance et l’esprit de discernement de nos compatriotes restés fidèles au peuple et à leurs convictions. Ceux qui ont compris, ce sont ceux qui ont réalisé tôt ou tard que l’espoir est en train d’être ruiné, et qu’il faut rester mobilisé pour défendre la démocratie et préserver l’État de droit. Ce sont ceux qui veulent d’une transition limitée dans le temps, au terme de laquelle un président librement choisi par les Guinéens, à l’issue d’élections transparentes et inclusives, conduira les destinées du pays. Ceux qui ont compris refusent un processus électoral bâclé, un simulacre d’élections ou une confiscation déguisée du pouvoir. Ils mettent un point d’honneur à privilégier la Guinée avant leurs intérêts personnels. Ils ne courent ni derrière les postes ni derrière les privilèges éphémères du pouvoir. Ils se rangent du côté du peuple et choisissent le bon côté de l’histoire. Ils sont les sentinelles de la République, les gardiens des acquis démocratiques.
En revanche, ceux qui n’ont pas encore compris sont souvent ceux qui prétendent que d’autres ont compris, sous-entendant qu’il faut les suivre et leur obéir. Ils se trompent donc sur ce qui a réellement été compris, dans le silence des cœurs et le secret des consciences. Eux n’ont pas compris qu’il n’y a ni adhésion profonde à leur cause, ni foi en leurs promesses. Ils confondent la patience du peuple avec la résignation, la retenue avec la capitulation. Ils ne voient pas que la majorité silencieuse a déjà compris, depuis longtemps, qu’ils ont fait le mauvais choix pour eux-mêmes et pour la nation. Jusqu’à quand continueront-ils de se tromper ?
Les apparences, souvent trompeuses, ne peuvent être interprétées correctement par des esprits intéressés et des soutiens inconditionnels. Quand on regarde la société à travers le prisme de ses ambitions et de ses intérêts égoïstes, on ne perçoit rien d’autre qu’un écran de fumée tissé de fausses certitudes et de jugements hâtifs.
Nous, nous avons compris. Se tromper est une chose ; ne pas savoir qu’on se trompe en est une autre. « Entendre » et « comprendre » ne signifient pas la même chose. Alors, faut-il parler de ceux qui ont bien compris ou de ceux qui ont mal appris leurs leçons ? Ceux qui ont compris que d’autres n’ont rien compris appellent fraternellement ces derniers à rejoindre leurs rangs. Ainsi, enfin, il n’y aura plus personne qui n’aura pas compris.
Souleymane SOUZA KONATÉ.












