Madame
Aicha Diallo Vankempen, à l’instar de nombreuses entreprises et fournisseurs de l’État, dénonce avec insistance le non-paiement de la dette intérieure, un dispositif économique qui, pourtant, constitue un levier important dans la lutte contre la pauvreté.
En effet, en Guinée, le paiement de la dette intérieure par l’État est souvent perçu comme une simple obligation administrative ou une injonction des institutions de Bretton Woods, telles que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Pourtant, cette action est stratégique dans la lutte contre la pauvreté. En honorant ses engagements financiers envers les entreprises locales, l’État participe directement à la préservation d’un tissu économique fragile et, par ricochet, au bien-être de nombreuses familles.
Le retard ou l’absence de paiement de la dette intérieure place les entreprises sous contrat avec l’État dans une situation précaire. Ces entreprises, souvent dépendantes des paiements publics pour leur trésorerie, risquent la faillite en cas de défaillance prolongée. Une telle faillite entraîne non seulement la fermeture de ces entreprises, mais également le licenciement de milliers de travailleurs.
Et chaque emploi perdu a des effets en cascade. En Guinée, où une seule source de revenu peut subvenir aux besoins d’un ménage élargi, la perte d’un emploi ne touche pas seulement l’individu concerné, mais aussi les membres de sa famille : parents, conjoints, enfants, voire des proches éloignés. Ainsi, en s’assurant que les entreprises reçoivent les paiements qui leur sont dus, l’État prévient des vagues de chômage et maintient une stabilité socio-économique dans un contexte déjà marqué par des défis structurels.
Lorsque les entreprises reçoivent les paiements de l’État, elles peuvent non seulement payer leurs employés, mais aussi honorer leurs propres obligations envers des sous-traitants, des fournisseurs et des partenaires financiers. Cela crée une chaîne économique positive, où l’argent injecté circule dans l’économie locale, favorisant ainsi une croissance inclusive.
Les employés des entreprises en contrat avec l’État, en recevant leurs salaires, dépensent dans les marchés, les commerces et pour des services de base. Cette consommation soutient les petits commerçants, les agriculteurs et d’autres acteurs de l’économie informelle, contribuant ainsi à un développement économique à la base.
En plus, le paiement de la dette intérieure peut jouer un rôle dans la réduction des inégalités sociales. En stabilisant les revenus des travailleurs et en soutenant les entreprises locales, l’État garantit que les bénéfices économiques touchent des secteurs plus larges de la population. Cela contraste avec les politiques d’austérité souvent préconisées par les institutions internationales, qui tendent à pénaliser les couches les plus vulnérables.
En respectant ses engagements financiers, l’État guinéen renforce également sa crédibilité auprès des opérateurs économiques. Cette crédibilité est importante pour attirer des investissements privés, tant locaux qu’étrangers, nécessaires pour diversifier l’économie et réduire sa dépendance aux secteurs extractifs.
La lutte contre la pauvreté passe par des décisions politiques éclairées, et le paiement de la dette intérieure en est une. Il ne s’agit pas seulement de respecter des obligations financières, mais d’adopter une vision proactive qui considère les impacts sociaux et économiques à court et à long terme.
Dans le cas de la Guinée, où une grande partie de la population dépend directement ou indirectement de l’État, honorer les dettes intérieures constitue une preuve tangible que le développement ne se limite pas aux grandes réformes structurelles. Il repose également sur des actions concrètes visant à soutenir les acteurs économiques locaux et à préserver la cohésion sociale.
Cependant, il est important de noter que les milliards de francs guinéens détournés au sein des institutions telles que la Douane, les Impôts, l’OGP ou encore les tonnes d’or disparues à la Banque centrale auraient largement suffi pour épurer une part significative de la dette intérieure. Malheureusement, ni le Premier ministre, ni le ministre de l’Économie et des Finances ne semblent s’en soucier et ceci malgré les appels réitérés des conseillers nationaux du CNT. Le président Mamadi Doumbouya, conscient qu’il ne puisse tout faire seul, a pourtant nommé ces ministres pour agir en ce sens. Mais face à leur incompétence et leur insouciance manifeste, il lui revient de prendre ses responsabilités en les révoquant pour les remplacer par des personnes compétentes et soucieuses de mettre en œuvre une politique économique cohérente et efficace au service de l’État.
In fine, le paiement de la dette intérieure dépasse le principe d’une obligation imposée par les institutions de Bretton Woods. C’est un levier puissant pour préserver l’emploi, dynamiser l’économie et réduire la pauvreté. En priorisant cette démarche, la République de Guinée pose les bases d’un développement économique durable et inclusif, tout en protégeant les plus vulnérables de ses citoyens.
Abdoulaye SANKARA, Journaliste