La question de minorités ethniques se pose encore avec acuité en République de Guinée. Bien que protégées par la législation, les minorités ethniques sont souvent victimes, en raison notamment de leurs noms de famille ou patronymes, de multiples formes de discrimination : marginalisation, négligence, rejet, accès difficile à l’emploi. D’autres confrontées à des politiques d’assimilation forcée qui menacent leur identité culturelle et linguistique. C’est le cas par exemple des Bassaris qui, tout comme les Bédiks, les Badiarankés et les Koniaguis, appartiennent au groupe ethnolinguistique : Tenda.
Établie principalement dans la chaîne de collines et de montagnes de part et d’autre de la frontière guinéo-sénégalaise, à l’ouest du Fouta-Djallon, et dans la région administrative de Boké en Guinée, plus précisément dans les préfectures de Koundara, Gaoual, Boké, la communauté Bassari est aussi fortement implantée au Sénégal.
Peuple ultra-conservateur, communauté fière avec des spécificités et richesses culturelles, les Bassaris sont une des minorités ethniques guinéennes dont l’existence et l’appartenance ethnique nationale restent méconnues par bon nombre de guinéens. Pourtant, ils vivent sur les chaines de montagnes du Fouta-Djallon depuis les XIIème et XIIIème siècles.
Riche d’une culture de plusieurs siècles, le peuple Bassari est régulièrement confronté à un véritable calvaire administratif, notamment l’obtention des documents officiels. Parfois, certains parmi eux font des allers-retours incessants pour obtenir la carte nationale d’identité, le passeport, le certificat de Nationalité, le jugement supplétif et autres documents officiels.
Dans les services déconcentrés et décentralisés ainsi que dans les Institutions comme dans les Commissariats centraux, les Directions Centrales de la Police Judiciaire (DCPJ), les banques, les entreprises privées, ces concitoyens sont parfois ségrégués et rejetés à cause de leurs patronymies souvent jugées non guinéennes ou parce que parlant une langue (l’Onëyane) qui parait étrangère à certains agents et même à bon nombre de guinéens. Parfois même, des emplois leur sont refusés. Certains d’entre eux sont obligés de renoncer à leur identité au détriment d’une autre.
Généralement, leurs noms de famille, originaux et resplendissants qui annoncent leur identité, commencent par la lettre ‘’B’’. Il n’est pas rare par exemple de trouver, dans cette communauté, des noms de famille comme : Bangar, Bangonine, Bémoune, Bianquinch (ou Bianquinche, Bienquinch, Bienquinche, ou encore Bianquinz), Bianquinze, Bidiar ou Bidyar, Bies (ou Biess, Biece, Biesse, Biès, Bièss, Bièce, ou encore Bièsse), Bindia (ou Biendia, Bendia, ou encore Bendja), Boubane. Du fait de l’histoire, de la rencontre avec d’autres peuples guinéens, mais surtout du fait de la marginalisation et de la stigmatisation dont ils font l’objet au quotidien, certains Bassaris prennent d’autres patronymes comme Camara, Manè, Kourouma, Bah, Diallo, Théa, Koïvogui. D’autres aussi ont pris d’autres patronymes du fait des alliances avec d’autres communautés, par la reconversion à d’autres religions mais également par la simple volonté de gagner du travail ou avoir des documents officiels.
Contrairement aux autres communautés guinéennes qui sont patriarcales, les Bassaris sont un peuple matriarcal. Effectivement, dans cette communauté, l’enfant porte le nom de famille de la mère. Par exemple, un enfant de Mère Boubane et de Père Bémoune, portera Boubane, le nom famille de la mère. Cependant, pour des raisons administratives, le fait que la législation guinéenne ne reconnait que le patriarcat, les enfants portent les patronymes de leur père contre les normes traditionnelles de leur société.
Par ailleurs, la prénomination, dans cette communauté, est en lien avec l’ordre chronologique de naissance dans la fratrie. S’agissant des garçons :
•le 1er fils, c’est Tchara, dérivé de Tchiara, Thiara, Tcharo, Itchar, Tcharoly, Tcharolé, Tchar ou tchar, Tchalcana, Tchalany ou Thialany ou Thialani ou encore Tchalani etc ;
•le 2ème, Tama, dérivé de Tamo, Tamaline, Etam, Tameguetch, Tamaly, Tametch, Tamaly, Tam-tam, Itam, Tamaye etc ;
•le 3ème, Yera, dérive de Yéro, Yèrkin ou Yerquin ou Yerekin ou encore Yerequin, Yera ou yera, Indjero, Yerta, Yerkoly, Yerassa ou Yerissa, Indjera etc ;
•le 4ème, Kaly, dérivé de Kalito, Kalico, Kalkal, Ingualy, Kaleto etc ;
•le 5ème, Indekha, dérivé de Dekhok, Indhekhela, Indhekho, Indekh, Endega, Andega etc ;
•le 6ème, Pata, dérivé de Ipate, Paty, Pato, Paty etc ;
•le 7ème, Jaby, dérivé de Jabou, Jabel etc ;
•le 8ème, Mamy, dérivé de Mami etc ;
•le 9ème, Tokhy, dérivé de Tokhi etc ;
•le 10ème, Vebhatch, dérivé de Vebadje, Vèbadje, Vebadche, Vèbadche, Vebadhe etc.
Lorsqu’il s’agit des filles :
•la 1ère s’appelle Tchira, dérivé de Etchira, Etchera, Tchramé, Tchir-tchir, Tchercoté, Tchircoté, Tcherocté, Bhatcher, Tchrokthé Tchiré, Tcheré etc ;
•la 2ème, Kema, dérivé de Koumala, Inguema, Koumbalé, Koumbala, Koum-koum, Koumbel, Koumbele, Coumba ou Koumba, Koumbre etc ;
•la 3ème, Pena, dérivé de Pendala, Pendalé, Peno, Peny, Pène-pène, Pènegle, Ipène, Pendaly, Pendali, Pena, Pena-pena, Penely, Penegly, Pènegle etc ;
•la 4 ème, Tacky, dérivé de Tacky-tacky, Tackonet, Tacklet, Itack, Takhè, Takhèna, Tacko, Taki etc;
•la 5ème, Gnary, dérivé de Gnarko, Gnarma, Gnariko, Gnarben, Gnarela, Niyarie ; Nyarie, etc ;
•la 6ème, Methy, dérivé de Methenan, Emethe, Methie etc ;
•la 7ème, Matcha, dérivé de Matcho, Matchou, Matcha, Mathia, Matchia etc ;
•la 8ème, Yavou, dérivé de Gnavou, Nyavou, Gniavou, Niavou etc ;
•la 9ème, Vayanek, dérivé de Vayaneq etc ;
•la 10ème, Vebhatch, dérivé de Vebadje, Vèbadje, Vebadche, Vèbadche, Vebadhe etc.
Une veuve ou une divorcée qui se remarie, cette chronologie continue. Si elle avait comme premier garçon Tchara chez le premier mari, son deuxième garçon s’appelle Tama, même si c’est le premier garçon du second mari.
Certes, des efforts ont été fournis par les autorités pour remédier à la situation mais, il y a encore du chemin à faire. Au demeurant, il convient de renforcer les mécanismes de participation politique et sociale des minorités ethniques. Il faut un véritable répertoire, accessible et visible, des noms de familles des minorités ethniques.
Sayon MARA, Juriste