Soucieux de l’avenir de la pharmacie en République de Guinée, je me permets d’apporter quelques pistes de réflexions dans une perspective de contribuer à l’amélioration de l’accès aux produits et services pharmaceutiques, de combler le manque de gestion rigoureuse dans un environnement d’épidémies, de maladies infantiles les plus mortelles, de pathologies émergentes et surtout de la présence du marché illicite de médicaments. Ce qui amènerait les acteurs concernés à mieux s’investir particulièrement dans le secteur du médicament en Guinée, et répondre à la demande sans cesse exprimée par les pharmaciens à travers les organisations professionnelles de renforcer le monopole.
Bref aperçu historique :
Alors que la République de Guinée traverse une des périodes incertaines de l’évolution de la pharmacie, un décret avait été signé : Le Décret D/2018/111/PRG/SGG portant promulgation de la loi L/2018/024/AN du 20 juin 2018 relative aux médicaments, produits de santé et à l’exercice de la profession de Pharmacien, qui en son Article 38, Chapitre 8, prévoit la création d’une Autorité Nationale de Régulation. Ce qui constitue un apport essentiel dans la perspective de la mise en œuvre de manière opérationnelle la réglementation pharmaceutique.
En mars 2019, la Présidence de la République a décidé de réduire le nombre de sociétés importatrices des produits médicaux. Si cette annonce avait, à l’époque, évité une grève nationale des pharmaciens, rien n’a changé depuis, malgré la lutte engagée contre le marché illicite par les autorités actuelles. D`énormes efforts ont été réalisés mais il reste encore beaucoup à faire pour réguler le secteur pharmaceutique guinéen.
C’est pourquoi il est impératif que les pharmaciens s’organisent pour redonner confiance aux patients et combler les lacunes de la réglementation en vigueur en apportant tout le soutien nécessaire à la mise en place de cette structure de règlementation. Ce qui constitue la réponse clé à toutes les questions auxquelles tous les professionnels de la santé essaient d’apporter depuis quelques années.
Elle correspond à la solution la plus efficiente aussi bien dans le secteur de la santé en général que celui de la pharmacie en particulier. Elle répond aux soucis du Gouvernement et des professionnels de santé d’améliorer la santé de la population.
La création d’une Autorité de Régulation Nationale Pharmaceutique, dans notre pays, peut constituer un levier important de renforcement des systèmes de santé et d’un meilleur accès aux médicaments de qualité et va permettre la mise en place d’un cadre plus cohérent en matière d’encadrement juridique, d’approvisionnement et de contrôle du médicament.
Dans les pays occidentaux, depuis les années 1980, la fonction de régulation est généralement associée à une autorité de régulation sous la forme d’une institution étatique, indépendante, chargée d’assurer la régulation d’un secteur. C’est le cas dans des secteurs qui posent problème : marchés publics, médicament, télécommunication, marchés financiers.
Face au contexte de mondialisation exigeant de nouvelles stratégies, la mise en place d’Agence nationale de régulation serait de nature à aider notre État à faire face aux conséquences du nouveau paysage pharmaceutique international qui est en train de se mettre en place.
Contexte et objectif :
Chaque jour, la population guinéenne et les professionnels de la santé utilisent des médicaments qui ont été importés pour le traitement ou la prévention d’une multitude de maladies. Il est essentiel de permettre un accès opportun à des médicaments sûrs et efficaces, et de veiller à ce que ces produits demeurent sûrs et efficaces, pour contribuer à l’amélioration et au maintien de la santé des guinéens.
Reconnaissons que la Guinée est durement touchée par le trafic de faux médicaments. Si depuis quelques temps, elle multiplie ses efforts contre ce fléau meurtrier, les obstacles semblent nombreux.
Je rappelle qu’il est important de mentionner le caractère systémique technique à la fois fonctionnel et institutionnel du secteur pharmaceutique et de sa fonction de régulation :
Systémique : parce qu’il s’agit de la fonction de régulation en relation avec les autres composantes et fonctions du système ;
Fonctionnel : parce que le but de l’ensemble du processus est le bon fonctionnement du secteur et des sous-secteurs publics et privés, ce qui demande de la gouvernance et de l’efficacité du travail du Ministère de la Santé et plus particulièrement de la DNPM
Institutionnel : parce que la santé des populations est de la responsabilité de l’État, lequel met en place des institutions et des normes afin de la garantir
Je ne cesserai jamais d’insister sur l’importance et le rôle de régulation du secteur pharmaceutique en décrivant la situation actuelle du secteur, en définissant la fonction de régulation, enfin en proposant des suggestions qui permettront d’améliorer cette fonction essentielle de l’État, en tenant compte de l’ensemble du circuit d’approvisionnement. Ce rôle de régulation, propre à l’État est une clé essentielle de la bonne gouvernance car, l’État représente le garant, le moteur et l’acteur principal.
Aujourd’hui, nous pouvons évoquer, sans risque de nous tromper, l’imminence des besoins liés au secteur pharmaceutique :
1- Pour l’ensemble des Guinéens, de disposer, dans tout le pays, de médicaments de qualité à un prix accessible (qui est une des missions essentielles de tout État). Ce premier besoin, la gestion du circuit public d’approvisionnement est un vrai métier à l’activité de type commercial, avec d’importants aspects techniques et logistiques, même si sa finalité est sociale. Cela nécessite de la confier à un acteur autonome qui travaillera sous la responsabilité de l’État.
2- Pour l’État et dans l’intérêt général, d’être capable de réguler l’ensemble du secteur à travers l’autorité de régulation. Et donc de lutter contre le secteur illicite. Ce deuxième besoin, l’exercice de la fonction de régulation, demande que l’État évolue d’une hiérarchie administrative, vers une autorité étatique de régulation indépendante (de type «agence») avec un regroupement radical des compétences nécessaires à la régulation du secteur au sein d’une seule et même institution (normes, autorisations diverses, recours à un laboratoire de contrôle, expertise, inspection, sanctions, recherche, pharmacovigilance, …) et une fonctionnalité maximalisée.
Il est important de reconnaître que le cadre légal et règlementaire du secteur pharmaceutique en Guinée est théoriquement satisfaisant, mais malheureusement les textes ne sont pas appliqués. C’est certainement dû au manque de moyens, mais aussi et surtout au fait qu’ils n’apportent pas de réponse à la complexité actuelle du secteur.
Le recours à une autorité administrative indépendante est l’expression du passage d’une gestion administrative à une gestion régulée. Il permet d’éviter la dispersion des responsabilités, la lourdeur de la hiérarchie pyramidale, et de regrouper toutes les compétences nécessaires autour d’une institution créée dans ce but précis. On peut citer notamment :
Le pouvoir réglementaire, le pouvoir de sanction, l’inspection spéciale, la police sanitaire, les prix, les agréments, AMM, autorisations, enregistrement, la pharmacovigilance, la pharmacopée, la sécurité sanitaire, traçabilité, la recherche, les stupéfiants.
La DNPM (Direction Nationale de la Pharmacie et du Médicament), ne possède pas à elle seule toutes ces compétences et ces pouvoirs. Elle est donc statutairement moins bien armée pour assurer un véritable rôle de régulation.
C’est pourquoi Il faut cadrer les missions de la DNPM (Direction Nationale de la Pharmacie et du Médicament), en vue de la création d’une Autorité, à travers un renforcement des fonctions normative et de contrôle, y compris sur la PCG (Pharmacie Centrale de Guinée), tout en délégant entièrement la fonction de prestation.
Je pense qu’il faut s’inscrire ainsi dans une dynamique de reprise en mains du secteur par l’État à travers l’Autorité de Régulation. Mais cela ne pourra se réaliser que sous l’impulsion et le leadership de l’État dont Le contrôle est ainsi renforcé par : l’exercice de sa fonction de régulation, sa présence au sein du Conseil d’Administration et le contrôle de l’exécution des obligations contractuelles.
Dr Ismaël Condé, Pharmacien
En service à l’Urgence Sanitaire en maladies Infectieuses (USMI) – Direction Régionale de Santé Publique de Montréal – Centre Intégré Universitaire de Santé et de Services sociaux du Centre Sud de l’Ile de Montréal
Member of International Pharmaceutical Federation (FIP). Member Id : 41709














